Contexte historique de l’enseignement bilingue public à Lannion / En-dro d’an deskadurezh divyezhek publik e Lannuon, P. Lavanant et C. Madec

P. Lavanant est militant culturel breton /emsaver, Chr. Madec est ingénieur écrivain / ijinour ha skrivagner, J.J. Monnier est historien / istorour ; tous les trois sont d'anciens anciens parents d’élèves bilingues.

Le plan de l'intervention

1.    De la loi Deixonne (1951) à l’ouverture d’une école Diwan à Lannion (1978).
Eus al lezenn Deixonne (1951) betek digoradur skol Diwan Lannuon (1978).

2.    Débuts de l’enseignement primaire (années 80) et secondaire (années 90).
       Penn kentañ ar skol kentañ derez (bloavezhioù 80) hag ar skol eil derez (bloavezhioù 90).

3.    Enseignement supérieur et formation continue.
      Ar skolioù meur (ENSSAT, IUT) hag ar stummadur dibaouez.

4.    Le breton en dehors de l’école : éditions, audiovisuel, chant, théâtre, causeries, fêtes… / Ar brezhoneg e-maez ar skol : levrioù, kelaouennoù, diskouezadurioù, kan, c’hoariva,  beilhadegoù, kaozeadennoù, gouelioù, kleweled, anvioù-lec’h …

 NB : Cette 4° partie, prévue dans le résumé proposé en juillet, est juste évoquée en fin de partie 3 et n’est pas traitée dans le corps de l’exposé. Par contre, pour approfondir l’ensemble du sujet, vous trouverez en annexe un extrait scanné de livre et quelques sites Internet

Note liminaire : avec plus de 500 élèves scolarisés dans les 3 filières (publique, associative et catholique), Lannion (19000 habitants) figure dans les 7 premières villes de Bretagne pour l'enseignement bilingue breton-français. L’école bilingue publique Saint-Roch (maternelle et primaire) de Lannion comprend 8 classes, toutes bilingues.

  • 1.    La loi Deixonne de janvier 1951 est une loi socialiste qui manque d’ambition : elle autorise l’enseignement des langues régionales, mais, faute de moyens, sa mise en œuvre est un échec, en particulier dans l’enseignement primaire.

L’organisation d’une épreuve orale optionnelle de breton au baccalauréat permet bien une préparation dans certains lycées ou certaines écoles normales (comme à Saint-Brieuc), mais, dans les années 50, il n’y a pas de cours de breton à Lannion, ni dans l’enseignement primaire public, ni dans le secondaire public.

Pour voir une expérience originale, il faut attendre l’arrivée d’André Le Mercier au début des années 60 à l’école du Rusquet, école rurale du grand Lannion (cinq communes intégrées).
Le grand Lannion est mis en place lors de la décentralisation du Centre National d’Etudes des Télécommunications. André Le Mercier est un instituteur public, militant d’Ar Falz (en français : La Faucille), qui a lancé au milieu des années 50 un enseignement du breton à l’école primaire de Glomel en Centre – Bretagne. Son départ de Lannion pour Brest met un terme à l’expérience du Rusquet, mais son militantisme continue au sein de la fédération Emgleo Breiz (en français, Entente culturelle bretonne), créée à l’origine (1956) comme commission culturelle du CELIB (Comité d’Etudes et de liaison des Intérêts Bretons), puis devenue maison d’édition. André Le Mercier a également été actif au sein du mouvement laïque des cultures régionales (MLCR), fondé en septembre 58 par Robert Lafont de l’université de Montpellier… exemple d’altérité : voir ci-dessous un extrait scanné de l’ouvrage « Qui a volé mon patois ? » de Michel Lafon :

mlcr.
Les années 50 marquent le recul de la pratique quotidienne du breton dans le Trégor, une génération plus tard qu’ailleurs en Bretagne : en effet, les autres régions étaient plus urbanisées, ce qui avait accéléré la non-transmission de la langue dans les familles.
Face à cette situation, il y a à Lannion, comme ailleurs en Bretagne, une prise de conscience des militants culturels, qui organisent des stages de breton ou des cours du soir.
De plus, les cours de breton dans l’enseignement secondaire bénéficient d’une meilleure prise en compte de l’épreuve de breton au brevet des collèges ou au baccalauréat : on est passé d’une épreuve orale, ne comptant que pour une mention au bac, à une épreuve écrite ou orale de type LV2 ou LV3. Par contre, l’idée d’un enseignement bilingue doit attendre les années 70 : c’est en mars 1970 que paraît à Lannion le livre d’Armand Le Calvez, tiré de sa thèse de l’université de Rennes et intitulé : ”Un cas de bilinguisme / LE PAYS DE GALLES”.
En fait, autre exemple d’altérité, les expériences du Pays de Galles, du Pays Basque et du Québec ont inspiré les initiateurs des premières écoles associatives Diwan en 1977 à Lampaul-loudalmézeau et en 1978 à Lannion, face à la non-prise en compte de la gravité de la situation par l’Etat.

  • 2.    L’ouverture des écoles Diwan est un événement majeur de l’histoire de l’enseignement en Bretagne et il est vite évident que le combat doit être mené aussi au sein de l’Education Nationale.

La licence de breton a été annoncée en juillet 1981 lors du Congrès Celtique International tenu à Lannion. La circulaire Savary de juin 1982 autorise la mise en place d’un enseignement bilingue dans l’enseignement public : à la rentrée de septembre 1982, l’ouverture d’une classe à Saint-Rivoal dans le Finistère est suivie, à la rentrée de 1983, de classes à Rennes et à Lannion.

A Lannion, l’ouverture d’une filière bilingue au collège Le Goffic en 1989, puis au lycée Le Dantec en 1993, ainsi que le regroupement en 1992 des classes maternelles et élémentaires sur un même site, pourraient faire croire à un développement régulier, mais, avec l’Education Nationale, rien n’est jamais simple, comme on peut le voir à la lecture des données suivantes fournies par l’association des parents d’élèves pour l’enseignement du breton à l’école publique (APEEB), devenue Div Yezh, membre de la FLAREP :

  • 1984 : ouverture du CP, après une action déterminée des parents.
  • 1985 : ouverture d’une troisième classe bilingue, après une mobilisation de trois semaines des parents.
  • 1989 : mise en place, au collège, de cours en breton (musique, dessin, histoire et géographie), suite à la forte demande des parents.
  • 1993 : les élèves de 3°, malgré les promesses du Ministère Lang, ne peuvent pas rédiger l’épreuve d’histoire-géographie du Brevet des Collèges en breton. Les élèves bravent l’interdit : les notes sont désastreuses (seule la carte de géographie est notée). L’année suivante, le ministère Bayrou, pour la première fois en France, autorise des élèves à composer en langue régionale et, en 1996, les élèves de terminale, à titre dérogatoire, sont autorisés à composer l’épreuve d’histoire-géographie du baccalauréat en breton.

Voilà un certain nombre de péripéties qui ont accompagné le développement de la filière bilingue de Lannion, qui est complète de la maternelle au bac depuis maintenant vingt ans.
Et pour terminer par une note optimiste, notons qu’un enseignement des mathématiques en breton est assuré en collège depuis 1998.

  • 3.    Dans l’enseignement supérieur, les cours de breton sont assurés par les universités de Brest et de Rennes, ainsi que par l’Université de Bretagne Sud à Lorient plus récemment.

Par contre, à l’université de Nantes, il n’y a plus de cours de breton depuis 2004. À la licence de breton citée précédemment, il faut rajouter le CAPES créé en 1985 et le DEUG créé en 1989.
L’enseignement supérieur représenté à Lannion par un IUT et par une école d’ingénieurs n’a pas vocation à former des enseignants comme les IUFM devenus ESPE, mais des études concernant la langue bretonne y ont été menées par le passé dans le domaine de la synthèse de la parole et c’est dans les laboratoires universitaires lannionnais qu’a été mis au point “Ar geriadur a gomz” / « Le dictionnaire vocal du breton », à partir des dictionnaires du professeur Francis Favereau. Notons aussi qu’à l’IUT, les élèves journalistes ont pu, pendant de nombreuses années, suivre un module de culture bretonne : cela a été pour certains le début d’une vocation d’enseignant bilingue ou de journaliste de média en breton.
Une nouvelle occasion va être donnée à Lannion de faire valoir ses expériences et ses compétences : l’ouverture en janvier 2017 d’une formation continue de six mois assurée par l’association (SCOP) Roudour. Le financement est assuré par la Région, ainsi que par l’Etat : la formation est ouverte aux demandeurs d’emploi, aux préretraités, mais aussi aux actifs et en particulier aux enseignants déjà titulaires qui veulent évoluer vers l’enseignement bilingue.
Que des enseignants se convertissent à l’enseignement bilingue est une satisfaction pour les promoteurs du breton, d’autant plus qu’on voit maintenant les enfants des premiers élèves bilingues des années 1980 être scolarisés. L’action de la SCOP Roudour pourra alors être saluée comme un “engagement du militantisme breton au service de l’école de la République”, suivant la formule utilisée par François Bridet en quittant, en juillet 2016, la direction de l’école bilingue publique de Cavan, située à 13 km de Lannion.
Mais en attendant , l’Education Nationale devra prouver sa volonté d’améliorer le fonctionnement des activités scolaires et périscolaires : c’est le souhait des nouveaux parents, comme des anciens, qui veulent encore croire dans l’enseignement public. De toute façon, l’objectif essentiel est la transmission de la langue, et il faudra bien utiliser une variété de moyens pour cela…Et, dans ces moyens, l’espace audiovisuel est particulièrement important. D’ailleurs, il y a dix ans, Robert Chaudenson, professeur émérite de l’université de Provence (troisième exemple d’altérité), disait déjà face au risque de l’uniformisation culturelle :
« Si l'école est, en général, sauf aménagement spécifique, la menace majeure contre la diversité culturelle, l'espace audiovisuel est, au contraire, le lieu quasi-idéal de la coexistence et du partenariat des langues comme de la préservation de la diversité culturelle. »

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Quelques sites internet

Site généraliste qui, en déroulant les lignes, donne des informations sur tous les établissements Div Yezh en Bretagne (recherche possible par commune et type d’école), ainsi que des actualités tenues à jour.

Reportage de 2’05 (avril 2013) – Production Ouest-Armor-Image / TV-Trégor (site général : http://tv-tregor.com/) – sur le forum des métiers utilisant la langue bretonne , organisé au Lycée Le Dantec par l’association Div Yezh Lannuon à l’occasion de ses 30 ans d’existence.

Reportage d’avril 2012 sur le 9e Concours Interlycées de musique bretonne.
Réalisation : Daniel DONVAL, musicien.  Durée = 5’50.

Thème : pour illustrer les cours de civilisation bretonne, des étudiants de l’IUT Information-Communication  de Lannion rencontrent un  écrivain et son épouse dans un ancien café chargé de souvenirs. Reportage de 5’07″, réalisé par Antoine POCRY, étudiant en journalisme, avec l’aide de  Per LAVANANT et de Olga GITEAU. Production Ouest Armor Image / TV-Trégor – juin 2013.

 

Site du Centre Culturel Breton de Lannion (Kreizenn Sevenadurel Lannuon), l’un des plus dynamiques de Bretagne. Il a été créé en 1970.

Site de la radio bilingue RKB couvrant le Centre-Bretagne et le Trégor.

Site de l’organisme coopératif de formation Roudour (cité dans l’intervention).